Mardi 20 Juillet 00h23 Pire que le Mistral Retour de l’enfer
Ville sans électricité ni essence

Bonjour à tous,

Ce billet a été écrit à 4 mains, François l’a commencé et a dû s’interrompre pour des raisons indépendantes de sa volonté, alors je l’ai terminé. Ceci peut expliquer les différences de style.

Notre dernier billet a fini sur une note positive, vous avertissant de ne pas vous inquiéter si vous restiez plusieurs jours sans nouvelles : en fait, il aurait fallu vous inquiéter, car on a connnu l’enfer, le vrai, genre celui de Dante à côté c’est de la gnognotte.

A force de dire que la nature était hostile (ici et ), il fallait bien qu’elle nous le fasse payer un jour. Elle a choisi notre petite excursion dans le Sud Lipez et le Salar d’Uyuni pour nous faire sentir tout son mécontentement.

Nous vous avions laissé le 13 juillet, alors que nous nous apprêtions à aller dormir chez le consul de Sucre. Le lendemain, 14 juillet donc, nous avions notre bus prévu pour Tupiza. Pour la Fête Nationale, il y avait un cocktail à l’Alliance Française de Sucre. On nous a proposé de passer quelques minutes pour prendre un verre et écouter le discours de Christophe le consul (je veux pas dénoncer, mais il n’avait pas commencé à l’écrire 45 mn avant) mais, notre bus étant à 13h30, nous refusons poliment (je suis pour ma part toujours impressionnée par le consul, rendez-vous compte, un consul, c’est comme un ambassadeur). Ce 14 juillet à Sucre, règne un petit air de jour férié, le soleil et la chaleur me rappelant les 14 juillet à Paris.

C’est donc avec un peu de regret que nous allons au terminal, surtout pour se rendre compte que Tur Real, la compagnie qui nous a vendu les tickets de bus, nous a menti et que contrairement à ce qui est indiqué sur leurs prospectus, ils prennent une commission sur les billets (voleurs). Déjà 10 bolivianos de perdus. Nous partons avec la compagnie 6 de octubre, pour 10h de route jusqu’à Tupiza. Heureusement, nous devons arriver avant minuit, et nous jettons un regard plein de commisération pour ceux qui doivent aller au-delà, voire dormir dans ce bus. Nous partons léger, car nous ne passons pas la nuit dans le bus, pas de seconde polaire d’urgence, de deuxième ni troisième paire de chaussettes, confiance totale quoi, pour notre dernier voyage dans un bus bolivien.

Au terminal, le bus arrive sans trop de retard et il semble en bon état. En prévision de l’arrivée tardive, nous avons réservé une chambre à l’hôtel Mitru, de l’agence “Tupiza Tours”, avec laquelle on doit faire l’excursion de 4 jours vers Uyuni. A 19h, un peu après Potosi, le bus s’arrête pour la pause repas et la pause toilettes (il n’y en a toujours pas dans le bus), on va donc aux toilettes boliviennes (c’est-à-dire derrière l’arbre), et on préfère grignoter des biscuits. Peu de temps après être repartis, le chauffeur stoppe et vient nous expliquer que la route est bloquée par des manifestants (bloqueos, ça s’appelle) et que soit on retourne à Sucre, soit on prend la seconde route et on va direct à Villazon, terminus de ce bus (à la frontière argentine), sans donc passer par Tupiza. Après moults négociations avec les voyageurs, majoritairement en route vers Villazon, au grand mécontentement de ceux en route pour Tupiza, dont nous qui ne comprenons pas vraiment tous les propos, trois personnes commencent à demander de l’argent dans le bus. Ils ont décidé de faire côtiser le bus, pour payer les 350 bolivianos que réclame le chauffeur pour poursuivre vers Villazon. En tant que touriste, notre tarif sera de 15 bolivianos par personne. On paie sans vraiment tout comprendre. Et donc c’est parti pour 10 heures de plus : l’arrivée à Villazon est prévue à 6 heures du matin. QUOI ??? Nous n’avons pas de couverture pour passer la nuit glaciale dans le bus, rien de chaud, et comme les bus boliviens sont au top de la technologie, il n’y a pas de chauffage et les fenêtres ferment mal. Autant dire que la température chute trèèès vite. Seule la couverture de survie nous épargnera de rester congelés sur notre siège, mais de peu. La Bolivie (re)commence à nous sortir par les yeux. Je vous épargne le second arrêt toilettes dans les bois en pleine nuit.

5h30, nous arrivons enfin à Villazon. Nous pouvons reprendre un bus vers Tupiza qui part à 7h00, mais pour l’instant le terminal est fermé, et le chauffeur est allé dormir dans la soute. Là, nous hésitons grandement à passer en Argentine, direction Salta, manger des empanadas et zapper l’excursion de 4 jours dans le désert froid de la Bolivie profonde. On se convainc de le tenter malgré tout, de part la beauté des paysages et les témoignages enthousiastes des gens qui en reviennent. Notre plus grosse erreur sans doute.

On arrive à trouver un bus (blindé), 15 bolivianos chacun, avec encore des gens debout dans le couloir, des vieux édentés, des plus jeunes et des enfants, qui mâchent allègrement de la coca (pas les enfants), et arrivons à Tupiza à 10h du matin au lieu de minuit la veille. Au final, le trajet nous aura coûté très cher (en bolivianos, je veux dire), surtout qu’au terminal l’agente de 6 de octubre ne veut rien entendre et refuse de nous rembourser un sou. Compagnie à éviter donc. A l’agence de Tupiza Tours, ils sont au courant du blocage, et ne nous font pas payer la nuit réservée (plusieurs personnes seront dans le même cas que nous). De toute façon, je les aurais envoyé se plaindre aux grévistes. Nous décidons de prendre l’excursion avec Tupiza Tours qui part le lendemain, afin de limiter au maximum le temps qui nous reste à passer dans ce pays (et puis notre vol se rapproche) : nous serons 4 dans la voiture avec 2 autres personnes (1200 Bolivianos par personne) et nous louons 2 sacs de couchage pour les 4 jours (2x50 bolivianos). On profite de la journée pour visiter le marché de Tupiza (la coca, tout ça) et manger une pizza pour se remettre de la nuit.

Le lendemain c’est le grand départ … un 4x4 de l’agence part avant nous avec 4 français : Laeticia, Mailys (qui n’est pas du sud-ouest), Kamel et Mickaël. Nous partons un peu plus tard avec Chris et Nessi, respectivement italienne et brésilienne. Le chauffeur fait office de guide et est assisté par une cuisinière qui nous préparera les repas pendant tout le circuit. La voiture est pas mal, mais on se rend vite compte qu’elle est un peu vieille, et que les fenêtres arrière ne ferment pas complètement. La Bolivie quoi.

Le tour débute bien, il fait beau, et les paysages sont magnifiques. Le vent est assez présent et transporte pas mal de sable. Nous nous arrêtons à midi pour déjeuner dans un coin à l’abri du vent : au menu Tamales et sandwichs, délicieux.

Le soir nous faisons halte dans un village pas très animé, à plus de 4200m d’altitude. Le groupe précédent est déjà là. Nous avons juste le temps d’aller au bout de la rue du village (oui, il n’y en a qu’une), et le vent nous fait rebrousser chemin. Nous prenons le café/thé (qui réchauffe bien) et faisons connaissance avec tout le monde. Il n’y a pas grand chose à faire ici, le groupe éléctrogène nous apporte un peu de lumière. Nous choisissons une chambre (“prenons celle-là, elle a une fenêtre, ça fait moins glauque”), comptons les couvertures sur les lits, 4, trouvons les toilettes, cherchons en vain la douche (je plaisante bien sûr, on savait qu’il n’y en aurait pas). Après le repas, tout le monde va se coucher car on se lève tôt le lendemain. On ne comptait pas vraiment avoir une chambre double, mais on espérait pouvoir pousser 2 lits l’un contre l’autre pour que l’un bien chaud tienne chaud à l’autre complètement glacée (oui, c’est souvent dans ce sens). Impossible, les lits sont en fait des briques cimentées sur lesquelles on a posé un matelas, donc inamovibles. En sortant les sacs de couchage, on s’aperçoit que celui de François est cassé : impossible de le fermer. Heureusement, le chauffeur nous en donne un second : ouf. La nuit est glaciale, le vent rentre par la fenêtre (choix extrêmement judicieux), la toile au plafond (certainement une simple plaque de tôle) s’agite avec le vent, et le poids des couvertures étouffe un peu, sans compter qu’on n’a pas forcément l’habitude de dormir dans un sac de couchage. Objectif : ne pas avoir à se relever de la nuit. Résultat : échec. De mon côté, entre gérer l’altitude, vaincre le froid et digérer le repas, mon corps a montré ses limites. Aller aux toilettes pendant la nuit est cauchemar, surtout quand il faut casser le glaçon au robinet avant d’avoir un filet d’eau. On ne passera donc pas une bonne nuit.

Le départ se fait de nuit, à 6h du matin, il fait très froid dans la voiture, je suis encore un peu malade, et les quelques passages au soleil sont rares en ce début de journée. Nous visitons un village de mineurs qui a été abandonné lorsque le filon s’est épuisé. On se demande vraiment comment ils faisaient pour vivre ici ! (pas le choix en fait, l’esclavage, le vrai, par les espagnols). Là, vous ne nous voyez pas, mais je suis en train de tout réexpliquer à François qui n’a rien compris à l’histoire. Bref. On monte de plus en plus en altitude, le froid est pinçant et le vent se lève de plus en plus. La nature nous a repéré et va nous faire payer notre insolence envers elle … (le ton mélodramatique est de François).

La sortie de la voiture à une lagune est périlleuse. Le vent nous porte (ra … et tout disparaîtra …) avec un angle assez impressionnant. Là, les chauffeurs commencent à s’inquiéter. Ils nous disent que c’est dangereux d’aller visiter les autres lagunes du trajet, qu’on ne verrait rien, et qu’il est préférable d’aller directement à Aguas Calientes (non, ce n’est pas au Pérou, on aurait dit Banco tout de suite, malgré la route). Ce sont des sources d’eau chaude où les touristes peuvent se baigner (les boliviens, eux, ne le font pas). D’abord, il faut se mettre en maillot de bains par -10, avec du vent à 200 km/h facile, avant de plonger dans l’eau à 40 degrés (ou 60, on n’est pas d’accord avec François). Mickaël et Kamel de notre groupe seront les seuls à essayer. Moi, j’ai une excuse, j’ai un mot du médecin car je suis malade, et François, il a piscine (oups raté). Nous voyons au loin le vent charrier la poussière sur des hauteurs impressionnantes. Nous déjeunons dans une grande salle avec plein d’autres groupes, et je pars tester les toilettes “écologiques” à 3 bolivianos, je ressors verte (sans doute parce que les toilettes sont écologiques). Au moment de repartir, notre chauffeur vient nous expliquer que nous allons attendre un peu avant d’aller voir le désert de Dali (désert avec des cailloux qui fait penser aux peintures de Dali), à cause du vent, mais que la célèbre Laguna Verte, faut l’oublier, car trop dangereux, et qu’en plus elle ne sera pas verte (mais gelée, comme moi). Nous irons tout de même voir le désert de Dali, on ne peut pas non plus tout louper.

Ensuite, nous traçons droit sans le détour par la Laguna Verde vers le point le plus impressionnant pour le moment : les geysers de Sol de Mañana. Comme je vais mieux, et que je suis intéressée, le chauffeur me prend sous son aile et m’explique plein de choses. A environ 5000m d’altitude, ils crachent du souffre (odeur particulière), bouillonnent et avec le vent, ça rend le paysage dantesque. Leur couleur dépend de leur température.

Nous allons ensuite à la Laguna Colorada qui, à cause du vent, n’est pas colorada, et sans les flamands roses au milieu (c’est plus la saison, ils partent vers le chaud). François vient de se retourner vers moi et de me demander “Mais c’est migrateur un flamand ?”, quand je vous dis qu’il n’a pas suivi l’histoire. La sortie du 4x4 nous permet un peu de nous amuser avec le vent qui est de plus en plus fort. Certains vont même essayer de battre le record de Usain Bolt sur 100m avec un vent de ouf dans le dos. Après ce bref amusement (faut bien s’occuper quand on n’a rien de spécial à regarder …), on prend possession de notre refuge pour cette nuit, à 4350m d’altitude : très froid et sordide (mais moins, cette fois-ci les toilettes sont à l’intérieur et il y a 2 lavabos, c’est du luxe, quoi il manque une douche ?)… Cette fois, on choisit la chambre, raté elles ont toutes des fenêtres, alors on prend les lits les plus loins possible de la fenêtre. On recontre un groupe qui est coincé ici depuis la veille à cause de la direction de leur 4x4 : des porte-poisse. Ceci a dû également faire pencher la balance dans le camp de la nature, elle n’en demandait pas temps (ah ah jeu de mots) !!! (jeu de mots et ton mélodramatique : copyright François).

A partir de ce moment tout s’enchaîne : du vent qui charrie le sable qui s’engouffre sous les toits en tôle et à travers les fenêtres pour terminer sur les lits. Pendant toute la nuit, on s’est cru en petit cochon dans une maison qui souffre face aux assaults du loup mais sans que personne n’en ait construit une plus résistante : pas de sortie possible. (Enfin, c’est la version de François, moi, après l’heure habituelle passée à essayer vainement de me réchauffer, j’ai dormi comme un loir, épuisée par la nuit précédente, je maîtrise à ce moment la position : tout dans le sac de couchage même la tête, aménager un petit trou pour respirer). L’heure du réveil (6h00) est une bénédiction (malédiction pour moi qui dors comme un loir, je ne sais pas si vous arrivez à suivre) : on se dit que ça ne pourra pas être pire, et pourtant ! Les chauffeurs sont inquiets : pas question d’aller voir l’arbre de pierre ni les lagunes prévues : trop dangereux. Notre chauffeur nous propose d’attendre un peu au refuge pour voir. Et risquer de rester coincés un jour de plus ici ?????? NON. Les chauffeurs de tous les tours partis de Tupiza décident de se suivre tranquillement pour rejoindre le prochain point de ralliement : l’hôtel avec une douche chaude possible pour la modique somme de 10 bolivianos (un paradis promis aux plus démoralisés)… Oui, vous avez bien lu : DOUCHE et CHAUDE.

Après une ballade dans les montagnes un peu à l’abri du vent, dans un village au doux nom de Vila Mar, nous manquons de rester bloqués par la glace. Car ici, lorsqu’il y a un cours d’eau qui traverse un village, on ne prend pas la peine de construire un pont, même quand ça glace en hiver. Un pont, pourquoi faire ? On est obligés de descendre tous de la voiture pour que le chauffeur puisse la sortir de la glace. Il manque y perdre sa casquette.

Nous arrivons sur le site de la Vallée de Pierres. Nous prenons pas mal de photos toujours avec le vent (les appareils ont bien mangé du sable pendant ces 4 jours, dixit le spécialiste photo, François).

Et nous remontons dans les voitures. La route passe maintenant au milieu d’une grande plaine et le vent redouble. A un moment, la visibilité devient nulle et le 4x4 est bousculé par le vent. Le chauffeur est obligé d’arrêter la voiture, de redémarrer dès que ça se calme un peu et d’avancer de quelques mètres, avant de devoir s’arrêter de nouveau. Du sable entre dans l’habitacle, Nessi et moi tentons de colmater les fenêtres avec un sac de couchage. François stresse : on restera 30 minutes immobilisés ainsi, avec son asthme il commence à angoisser. Il finira la tête dans son écharpe, pour éviter de respirer du sable. A un moment, une petite fenêtre de la voiture se craquelle … le chauffeur dit “no bueno, no bueno”, on n’a pas compris ce qu’il voulait dire par là, et il va tout de suite se réfugier à côté de la voiture d’un confrère pour éviter qu’on ne se fasse ensevelir. On avance ainsi péniblement jusqu’à sortir du plus gros de la tempête. Il faut mettre tout le monde à l’abri, et on fait halte au premier village. Lorsque nous entrons et voyons les lits, nous pensons tout de suite que nous allons dormir ici. Adieu hôtel de luxe et douche chaude. Problème : nous sommes suivis par 5 groupes et la place manque grandement. Ils sortent des lits et des matelas tout poussiéreux pour faire le compte. Par contre, ils ne pourront pas augmenter le nombre de toilettes : 1 seul, avec chasse d’eau manuelle (jeter de l’eau d’un gros tonneau dans la cuvette avec un petit seau). Quoi, il manque une douche ??? Bonjour l’ambiance (surtout que si vous suivez, ça fait un certain nombre de jours qu’on n’a pas vu une douche, en conséquence ça fait un certain nombre de jours qu’on n’a pas vu nos pieds, serrés dans 3 paires de chaussettes et des collants, sans pour autant qu’ils se réchauffent).

Nous arriverons à nous occuper de 14h à 19h avec les autres membres du groupes, grâce au “jeu des questions”, au “jeu des cailloux” et “Pyramide”, puis un peu de lecture (au choix, guides de la Bolivie ou de Tahiti, c’est trop dur, on ne peut plus voir l’un et l’autre nous fait encore plus ressentir le froid …) et autres discussions. Nous sommes contents d’être tombés sur des gens sympas, on se dit que ça aurait pu être pire. A 19h, le vent s’est calmé un peu mais on ne repart pas. Les chauffeurs viennent nous expliquer le programme de demain : lever 3h15, départ à 3h45 et direct le Salar qui est environ à 2h de route. Comme François ne dort pas, à 3h il est déjà levé, les sacs sont prêts à partir, moi j’ai réussi à m’endormir malgré le froid et les 2 petites couvertures. On a dormi tout habillés, avec l’autre groupe on a décidé de partir dans les premiers pour ne pas se traîner le groupe des bruyants (ni le groupe des porte-poisse, opinion personnelle de François qui n’engage que lui). Un peu raté, notre voiture est bloquée par d’autres (celle du groupe des bruyants, qui en plus n’ont pas réussi à se lever à l’heure). Les voitures se suivent mais il est difficile de retrouver le chemin du Salar dans la nuit : les arrêts et discussions inter-voitures seront fréquents. Nous arrivons enfin à la porte du Salar d’Uyuni pour prendre les photos au soleil levant. La beauté du site fait presque oublier les aventures de la veille. J’ai dit presque, car, petit rappel, ça fait plusieurs jours que nous n’avons pas vu l’ombre d’une cabine de douche, et avec le froid je commence à envisager une amputation des orteils.

La journée dans le Salar débute par la visite de l’Ile Del Pescado (ou Ila Incahuasi, “maison de l’inca” en autochtone) petite colline de terre où les cactus envahissent le paysage, sur cette mer de sel. Il fait froid mais le soleil nous réchauffe un peu. Nous prenons le petit déjeuner au retour à l’abri du vent derrière les voitures. Gâteau, céréales, yahourt … il y a presque tout pour plaire (j’aurais préféré une salle chauffée, mais je dois avoir des gouts de luxe). Nous poursuivons la route, faisons une halte dans le désert pour prendre les photos habituelles (jeux de perspective) que, nous, nous n’arrivons pas à faire.

Nous terminons ensuite notre périple dans la zone où tous les groupes terminent leur tour : marchandises à vendre et toilettes payantes (indicibles comme d’habitude). Nous savons que le cauchemar ne s’arrête pas là, car il nous faut aller à Uyuni, puis au Chili, ce qui signifie passer une nuit de plus dans des conditions similaires. Allez, plus qu’une. Ah par contre, il faut rendre les sacs de couchage, ça complique les choses.

Uyuni est la “grande ville” à côté du Salar. Le chauffeur ne nous laisse pas en plan et va essayer de nous trouver une voiture partant le soir pour rejoindre le Chili en 2 jours (ce sont les tours-opérateurs qui partent du Chili, qui y retournent et prennent des gens si possible). On a décidé de ne pas passer un nuit à Uyuni, car on a peur de rester bloqués (c’est déjà arrivé, des “bloqueos” qui bloquent toute entrée et sortie de la ville des jours durant). Et puis, on veut limiter notre temps en Bolivie.

Problème, il n’y a plus d’électricité à Uyuni, à cause de la tempête. On apprend ensuite qu’il n’y a plus de carburant non plus. La ville est un peu paralysée : pas de distributeur de billets pour payer le solde de ce que l’on doit à Tupiza Tours, pas d’essence pour les 4x4). On envisage même de retourner à Tupiza puis Villazon, passer en Argentine puis passer au Chili, tant pis pour la région d’Atacama. On trouve finalement une voiture qui part sûr à 17h (miracle …). On fait tamponner nos passeports à l’immigration d’Uyuni comme conseillé dans le guide, car le poste frontière n’est pas forcément ouvert demain matin, on prend un dernier verre avec Chris et Nessi, et on est présents à 16h45 devant l’agence avec les sacs. Un couple de Français (Erwan et Séverine) font également le voyage mais nous disent que le chauffeur est allé chercher de l’essence (où, on ne sait pas). Et on attend. La première voiture finit par partir à 17h45, mais sans nous, car il n’y a plus de place. La nôtre doit arriver un peu plus tard : le stress commence à monter. La voiture arrive, mais il faut attendre les 3 personnes qui sont actuellement dans le Salar et qui doivent revenir : on s’énerve un peu. On monte finalement dans la voiture, avec 3 jeunes anglaises, et on commence à partir à 18h30.

Programme : il y a 3h30 de route jusqu’à notre première escale, puis on passe la nuit dans un super hôtel, le repas est compris, pas besoin de sacs de couchage car super hôtel, et finalement on doit se lever tôt pour être conduits à la frontière, où un minibus chilien prendra le relai. On refait donc en arrière une grosse partie du trajet péniblement parcouru les 3 derniers jours. On est encore en Bolivie : tout ne peut pas bien se passer. Je traduis tout aux anglaises, qui après 6 semaines en Amérique du Sud ne savent dire que “baños”. Faut dire qu’à part acheter des pulls avec des lamas et des bonnets artisanaux, elles n’ont pas dû s’intéresser 2 mn à la culture ou à la population, mais passer plus de temps à boire et à faire la fête avec les gringos. Elles nous ont paru … un peu insouciantes. Elles s’appellent Abby, Charly et Jany (ce n’est pas une blague), on a appris leur nom quand le chauffeur a demandé nos prénoms (j’ai dû leur traduire la question). François est à l’avant de la voiture et peut voir tout ce qui se passe. Les détails techniques dans ce qui suit sont de lui.

Sur la route, tout se passe bien, jusqu’à ce que l’on rencontre un 4x4 en panne. Notre chauffeur, bon samaritain, s’arrête et démonte sa batterie (à croire qu’ils n’ont pas de câbles ici) pour aider son collègue à repartir. On perd donc 40 minutes car notre chauffeur est lent zen. Un peu plus loin, notre voiture commence à fumer. Moi, je me dis : tout, mais pas passer la nuit entière coincés dans un 4x4 au milieu de nulle part. Le chauffeur zen descend, demande à François sa lampe car il n’en a pas, regarde un peu ce qu’il se passe : il a cramé un fusible. Le temps de lire le mode d’emploi, de retrouver un fusible, de le remplacer en enlevant les bouts de plastique du précédent complètement cramé : on perd à nouveau 1 heure. L’anglaise n°3 ouvre la fenêtre et prend des photos. Il nous reste tout de même pas mal de route. Nous repassons sur le lieu où nous avons eu la tempête de sable, nous ne sommes pas tranquilles en pensant qu’il va y avoir autre chose qui va encore nous immobiliser ici et passer la nuit dans le froid avec un chauffeur incompétent (pas comme celui de Tupiza Tours, on commence à sentir la différence). Enfin, quand je dis nous, seuls François et moi sommes inquiets, les anglaises non, elles papotent. Le reste du chemin se passe plutôt bien malgré quelques frayeurs. Genre, un camion au milieu d’une rivière (= en plein milieu du chemin), que notre chauffeur a dû contourner après moult réflexions. L’anglaise n°3 ouvre la fenêtre et prend des photos. Moi qui suis juste derrière envisage de la tuer, ça allégera la voiture. A l’entrée du village de Vila Mar, on retrouve la grosse flaque que nous avons eu tant de mal à traverser quelques jours plus tôt, avec un chauffeur plus expérimenté. François le prévient pour le problème et lui conseille un chemin alternatif, il ne le croit pas, un type le prévient, là il y croit, et prend le chemin en question, où il reste évidemment coincé (et pourtant c’était plus facile que le premier). Rebelote, on descend du véhicule. L’anglaise n°3 prend des photos, je vais lui faire avaler son appareil.

Bref, on n’y croit pas (on = François et moi, les anglaises, elles, papotent, par -20), mais il y arrive. On finit par arriver au refuge, quelques mètres plus loin. Il est 23h. On trouve notre chambre, évidemment glaciale et pas terrible, trouvons les toilettes et … mais qu’est-ce ? François, vient voir, j’ai déjà vu ça quelque part. Une douche ??? C’est ça ???

N’envisageant pas une minute de passer sous la douche, au système de chauffe-eau électrique bolivien, nous partons directement au repas, à savoir une soupe dégueulasse, un thé et des crackers. De toute façon on n’a pas très faim. Enfin nous, car les anglaises espèrent des sandwichs jambon-fromage au petit déjeuner. Elles me demandent si je compte essayer la douche. Sur le moment, j’ai vu une fois de plus la preuve de leur … insouciance, mais là en écrivant ces lignes, je suis prise d’un doute.

C’est peu de secondes après qu’ils ont coupé le groupe électrogène, résolvant définitivement le problème.

Le chauffeur nous demande de nous lever vers 4h15, pour partir vers 4h45, on se couche tout habillés, ayant péniblement obtenu une couverture supplémentaire (phrase indispensable en Bolivie). C’est pas encore aujourd’hui que je reverrai mes orteils, je me demande à quoi ils peuvent bien ressembler depuis le temps.

Le lendemain, François nous réveille à 4h30, c’est à se demander s’il dort parfois. Je crois qu’il s’est juré de ne plus dormir en Bolivie. 4h45, personne dehors, les voitures sont silencieuses, il part en quête d’explications, trouve et réveille les chauffeurs. On finit par monter dans la voiture à peu près vers 5h. Le chauffeur démarre, s’acharne sur le frein à mains : il l’a laissé geler pendant la nuit. En même temps, il a des excuses, c’est pas comme s’il vivait dans un pays glacial, et qu’il était habitué aux coups de froid. Ah si ? Bon, il le débloque, sans trop de dégâts apparents, et recule pour laisser passer une autre voiture. Il attend que son copain chauffeur soit prêt, l’autre a moins de scrupules, démarre, et recule sans regarder, en plein dans notre voiture. Bilan : une aile froissée, qu’ils observent tous les 2 assez sereinement et longuement, la portière ouverte. Là, ils se rendent compte qu’un pneu est dégonflé, alors ils ouvrent le coffre (qu’ils laissent ouvert, ça aère la voiture) pour chercher la pompe. Ils essayent de regonfler le pneu, mais rien ne se passe : la pompe est gelée. Méthode de dégel de pompe n°1 (ça peut toujours vous servir) : taper dessus. Ca n’a pas marché. Méthode n°2 : insister plus fort. Rien. Méthode n°3 : trouver une source de chaleur (faire du feu, de l’eau chaude, etc). Ils ont disparu pendant 20 mn, sont réapparus tout contents avec leur pompe et ont finalement regonflé le pneu.

Après toutes ces péripéties, on s’est finalement remis en route, pour s’arrêter au bout de quelques minutes pour que les chauffeurs aident le 4x4 parti bien avant nous et qui était resté bloqué sur le bord de la route, son chauffeur trifouillant le moteur. On devait arriver à 8h30-9h à la frontière, on commence à enterrer l’idée.

8h30 : après s’être un peu rendormies (sauf François qui surveillait le chauffeur, capable de faire de même), nous arrivons à Aguas Calientes. Je me dis : chouette, c’est bien pour les anglaises, qui n’ont pas pu venir jusqu’ici et qui m’en avaient parlé. Le chauffeur nous laisse 10mn, elles réclament et obtiennent 15. Ensuite, elles commencent à se maquiller et à se coiffer. 10mn plus tard, l’anglaise n°3 sort prendre des photos. Elle remonte. Au bout de 10mn de plus (on est déjà à 20 si vous suivez), le chauffeur revient enfin, prêt à repartir, l’anglaise n°2 sort et demande les baños. Je suis coincée à l’arrière de la voiture, je ne peux pas aller l’y noyer.

On repart enfin, et on arrive à la frontière. On aura malgré tout l’occasion de passer devant la Laguna Verde, et la Laguna Blanca.

Au poste de frontière, je demande les toilettes. On me répond : derrière le vieux bus. Prendre ça au sens propre.

Nous profitons agréablement de nos dernières minutes en Bolivie, et du petit déjeuner chilien, avant de monter dans le minibus et de passer côté chilien. Tiens, la route est goudronnée.

On a réussi le passage de la frontière, et on s’est retrouvés, sans trop y croire vraiment, à San Pedro de Atacama, à chercher un hôtel pourvu d’une douche et d’eau chaude.

Voilà qui clôt le récit de nos aventures malheureuses dans les déserts boliviens, et les derniers jours passés en Bolivie. On a l’air de trouver ça drôle, mais sur le coup ça ne l’était pas. Le traumatisme est lent à passer : François devait écrire le billet, mais c’est encore trop douloureux pour lui. C’est sûr que ça doit valoir le coup, les paysages traversés doivent récompenser l’effort nécessaire. Nous, compte-tenu du stress, du froid, du vent, de la tempête de sable, et du fait qu’on a loupé beaucoup de choses, on n’a pas vraiment trouvé que le jeu en valait la chandelle. Peut-être une autre fois (sauf que François est décidé à ne plus mettre un pied en Bolivie)…

A nous le Chili maintenant, quelques jours pour en profiter avant de prendre l’avion pour l’Ile de Pâques…

Bises à tous, qui nous lisaient en pleine chaleur estivale, pendant vos vacances ou au travail.

Eva et François